Si au détour d’une randonnée vous observez sur un mur ancien de petits passereaux rouge-brique ou jaune verdâtre, il s’agira certainement de becs croisés en train de s’alimenter.

Jusqu’alors peu étudié, ce comportement a été observé à plusieurs reprises, par les gardes-moniteurs et les fidèles de la montagne, autant en Réserve naturelle nationale du Néouvielle (refuge d’Aubert), en Val d’Azun (bâtiments hydro-électrique du Tech), qu’en vallée de Cauterets (refuge du Marcadau)…

Espèce granivore des forêts de résineux de l’hémisphère nord, le Bec croisé se reproduit dans les massifs montagneux. De son bec allongé et croisé, il décortique les cônes des résineux pour en extraire les graines. La mandibule inférieure est légèrement tordue pour lui faciliter ce travail.

Actuellement, comme bon nombre d’oiseaux, les becs croisés chantent, volent et crient en groupe composé de mâles, femelles et parfois jeunes de l’année. Ils s’accrochent avec leurs griffes sur les anciens murs et passent leur bec dans les fissures, entre les joints de mortier et les blocs de granit. Là, bec ouvert et incliné tantôt d’un côté tantôt de l’autre, de leur langue ils lèchent le mur au niveau de fissures présentant du salpêtre.

Dépôt blanchâtre de sels de nitrate de potassium (KNO3) sur des vieux murs, le salpêtre  est dû à des remontées capillaires d’eau le long de micro fissures. Les vieux murs tels que ceux du refuge du Marcadau, a accumulé ce dépôt sur des micros fissures.

Les becs croisés complètent ainsi leur alimentation hivernale de ces sels minéraux et corrigent leur déficit en matières minérales dû à un menu granivore relativement pauvre en sodium et en calcium. Ces éléments sont pourtant essentiels à la formation de la coquille de l’œuf, du squelette, à la croissance des jeunes ou la consolidation du bec. Avides de salinité, ils savent trouver des lieux dans lesquels les sels minéraux sont concentrés, mais peut-être sont-ils recouverts par la neige à cette période...

D’autres espèces de la famille des fringillidés sont attirées par des sels minéraux sur des sites identiques à ceux fréquentés par les becs-croisés : le Verdier d’Europe Carduelis Chloris ; en Amérique, le Roselin de Cassin Haemorhous cassinii, le Roselin  pourpré Haemorhous purpureus le Tarin des pins Carduelis pinus, le Gros-bec errant Coccothraustes vespertinus… L’attraction pour le chlorure de sodium est bien connue aussi pour diverses espèces d’oiseaux, de mammifères et de papillons.